-Bon! c’est encore raté.
-Encore une copie tout croche! Manquait juste ça! Comme si j'avais pas ça, moi, des deadline...
-Ah… ah c’est dans ce sens-là que ça va…
-Brocheuse, brocheuse…? Brocheuse…!
-Coudonc, y’a jamais personne qui remplit le papier? Pis regarde-moi ça toutes les feuilles qui traînent, franchement!
Ces mots vous semblent familiers? Peut-être les avez-vous déjà entendu des dizaines de fois, presque par mégarde, en allant recueillir vos fraîches impressions. Peut-être les avez-vous même déjà proférées vous-même?
Tels des couteaux, les insultes volent bas lorsqu’il s’agit du photocopieur. Jamais les copies ne sortent assez vite, ou bien brochées, ou encore l’écran malveillant vous indique un millième « paper jam ». Vous devez alors choisir entre partir à la recherche de l’employée attitrée aux problèmes techniques ou tenter votre chance à plonger vos mains au cœur de la bête. Alors, impatient, vous abreuvez votre adversaire d'invectives qui sont aussi acerbes que vaines et qui au final ne font que nourrir votre suspicion envers l'électronique.
Mais d’ailleurs, qu’est-ce qui pousse tout utilisateur de ladite machine à exprimer ses doléances à haute voix? Serait-ce par besoin de réconfort face à la monstrueuse déshumanisation du travail de bureau? Ou plutôt exprime-t-on notre peur secrète d’être mal compris par nos collègues et jugé comme un vulgaire incompétent? Après tout, si n’importe quel individu issu de la génération 80 peut faire fonctionner ce truc, pourquoi pas un bon vieux fonctionnaire d’expérience? … susurrez-vous entre vos dents lorsque du premier coup le nouveau de la comptabilité, fraîchement sorti du cégep, réussit une photocopie recto-verso brochée en cahier avec en prime une réduction de quatre-vingt-cinq pour cent. Quatre-vingt-cinq pour cent!
De dépit, vous vous rabattez sur la machine à café. Celle-là, au moins, vous la connaissez de fond en comble. Combien d’heures gaspillées à faire croire à votre boss que vous cherchez un dossier aux archives, alors qu’en fait vous échangez avec Raymond des ressources humaines sur les scores de hockey en sirotant un capuccino à la vanille!
…Mais… C’est qu’ils l’ont changée, cette machine! C’est où qu’on met le 2$, maintenant? À moins que… Ben voyons, c’est quel piton, le capuccino? Pis c’est quoi ça, un chai latte?...