mardi 4 juin 2013

Montréal-la-grise

Montréal-la-grise s’offre sous l’éclairage glabre de ses bétons armés. L’enfilade ininterrompue de laideurs urbaines fait craindre la promesse d’éternels songes d’un ennui inéluctable. Le retour au bercail est teinté par le filtre d’un air chargé de toutes les pluies à venir. Déjà, le ciel lourd semble se tenir prêt pour la grande démonstration, tel un trouble-fête qui fait irruption dans une salle de bal désertée. Le mardi soir reflète sa vacuité hebdomadaire sur les eaux acier du lac Saint-Louis. Bientôt s’élèveront les gratte-ciels du centre-ville pour exhiber dans une attitude affectée une prétention de civilisation au passager de l’autobus voyageur. Tu penseras alors que ce n’était pas la peine d’ériger ces ex-voto de métal et d’illusions à l’honneur des dieux en lesquels tu ne crois même plus. Leurs exploits sont apocryphes – tu le sais depuis longtemps déjà – mais semblent tout de même séduire ceux qui ne cherchent qu’à se perdre et se dissoudre dans l’enchantement d’une religion blasée. Puis viendront les files de visages tristes attendant l’autobus, les premières lueurs des néons venus pour vaincre la nuit, et tu verras comment tout ce qui relève du divin a bien peu de poids face aux maux du quotidien.


L’autobus continue de filer sur l’autoroute maintenant fade, toute délestée qu’elle est de ses réminiscences diurnes. Les gouttes de pluie qui tracent de minces chemins sur les vitres deviennent bientôt des successions sans fin de rivières qui bravent la gravité pour strier le paysage de leur géométrie grotesque. La plainte que tu portes en toi – qui a grandit en toi, se nourrissant de ces kilomètres, de ces heures, de ces pensées – se fait dès lors entendre au creux de tes reins, dans tes paumes sèches, sur ta nuque et jusque sous tes côtes, emprisonnée par cette cage naturelle que tu voudrais parfois voir voler en éclats. C’est alors que tu prendras conscience de l’absence que tu voulais ignorer et qui malgré tout s’impose à ton esprit : Montréal est remplie de vide parce qu’elle ne sait pas recréer le bonheur que t’avaient apporté ces quelques jours où tu avais pu exister en n’étant personne.

dimanche 5 mai 2013

Sidewalk boy


There’s a boy
who sits on the
sidewalk
and waits
all day long.
The sun is
hard and the
light is strong
and he stays still.
Nothing can interrupt him
from his
quiet mission
not even the stray dogs
not even the ice cream truck.
And when the day
fades
away
he sighs once
and leaves the
sidewalk
alone.

samedi 13 avril 2013

Oranges and Ginger


He hates oranges and
ginger.
His laughter sounds like
an explosion.
It has to stop –
it’s too loud.
The neighborhood cats call him a
freak
as he
takes out
the garbage.

La procession


J’ai vu
l’illusion d’une parade
aux heures creuses de la nuit,
des carcasses éparses
vomies par l’obscurité
des débris épars
rejetés sur les rives de
l’aurore
qui dans un déambule hagard
cherchaient leur route
en passant
sous ma fenêtre.

Sans exagérer
j’ai vu
                un crime organisé par des chiens
                Cendrillon en haute couture
                               et bas souliers
                deux prouesses acrobatiques et un
                               accident
                des engins moteurs et autres mobiles
                trois jambes de bois
                deux éclopés qui quêtent une
                               cigarette
                deux hilares et leurs chansons paillardes
                une paire de stilettos et sa
                               maîtresse
                un carrosse vide
                quelques jeunes aux yeux encore
                               plein de
                               stroboscopes
                une demi-douzaine de blancs
                               d’œufs
                un amoureux du reggaeton
                un éconduit et son torrent de larmes
                trois perdus et un retrouvé
    la queue du cheval d’une
                               sportive
                un solitaire accompagné
                deux chattes siamoises d’Espagne
                les reliques saintes des jours
                               meilleurs
                des lancers d’ordures
                quatre façons d’être éméché
                des triplés issus de la même
                               mer
                un somnambule
                quelques sollicitations inavouées
                un couple fixant quatre souliers
                un soldat à qui on ne permet
                               rien
                des vendeurs d’euphorie factice.

J’ai vu
autant de gens
disparaître avec le jour
pour aller faire leurs
                offrandes
aux dieux du
                petit
                matin.

lundi 10 décembre 2012

Écrire (1)

J'ai voulu écrire mais il y avait pas le crayon avec lequel j'écris d'habitude dans le carnet dans lequel j'écris d'habitude. C'est un crayon pareil comme tous mes autres crayons alors j'en ai juste pris un autre dans le tiroir. J'écris toujours en bleu, parce que le noir ça manque d'humanité et que le reste ça fait pas sérieux. Le bleu c'est une valeur sûre de toute façon, et puis j'ai aucun intérêt à vouloir imiter une imprimante au laser. J'écris pas tant que ça au fond. Seulement, j'ai une tonne de lieux d'écriture. D'abord mes carnets, mes journaux. Et puis ma passion pour les blogues. Qui parlent de tout et de rien, ou qui ne parlent pas. On dit que se taire c'est autant que dire; pourtant dans le silence on entend n'importe quoi, et surtout ce qu'on veut bien entendre. Est-ce que c'est par peur de leurs propres pensées que les gens s'entassent un peu plus chaque jour dans des villes surpeuplées et bruyantes? Tout ce vacarme qui se veut vie mais qui est en fait le bruit des aspirations broyées sous la dent de la monotonie. Le bruit comme éloignement de la vie, comme gouffre où les connections se brouillent et s'épuisent. Le bruit qu'on produit, jour après jour, pour se réconforter, se rappeler qu'on s'écoutera pas penser.
Et les années qui passent.
Quand le silence vient c'est une révélation, ce silence contre lequel on s'est pourtant tellement esquinté. Le silence c'est le degré zéro de la vie parce qu'il nous permet d'être et que de n'être. De n'être qu'être.
Si tu penses que le contraire de la vie c'est la mort, tu te trompes, c'est le bruit. Si tu penses qu'écrire c'est un acte de silence, entend-moi bien crier.

mardi 20 novembre 2012

je t'erre

Pour Léo
je t’erre
des amertumes  livides
des magies
des gésir marins
un méandre construit
d’anfractuosités
les soliloques candides
des écrans cathodiques

je t’essaime
d’errance
dragée des exils
parchemin semé d’embûches
débusque et dépose
délicat
les miels fugaces
des fugues flétries


je t’ivre
des gémonies
des infinis prospères
l’heurt des insus
l’indicible visible
du ressac jacent
le duel vain
d’arborescence 

mardi 11 septembre 2012

Víspera de carbón


Víspera de carbón, llamas y llagas,
Arde la consecuencia del rapto,
Libre-albedrio y cadenas enamoradas.
Tú eliges la boca del lobo, acorro
a su hambre, chillidos tartamudos.
El mármol frío en tu espalda,
Revelación, instante nublado, ajena
tu respiración, la palabra y tu luz.
El rompecabezas suave, el espanto fijo,
la mano sin indicación, las tetas aburridas,
lo hiriente de la respuesta y el agotamiento.
Aguantar, salvaje despertar, rosario
de pájaros atados, y tu latido.
El control para siempre buscado,
Rechazo, llaga de cuero, navaja,
Y la solución, paseo involucrado.
Mirada hinchada, mejilla tras plumas,
suspiro y ya sabes, ves y sometes.

jeudi 19 juillet 2012

Recuerdos de Tenerife (4)

Una luz cruda tejida de vértigo,
De la sensación de vacío
Una mariposa bajo los párpados
Derramarse en un girasol gigante
Difundir la alegría en una miel agridulce
Te quiero de un amor brujo.
El encanto amarillo, hambriento,
La fantasía llevada al recuerdo
Terruño de mi ilusión, belleza ácida
De unos ojos límpidos.

Se solía parar para oír el cantar
De una patria sin orgullo ni miseria
Andar por el desasosiego escondido
En el despliegue de una nube.
Tomar por motivo el vuelo ajeno,
Recorrido vago, paseo asombroso
Encarnado por la sombra de un olivo.
El viento lleno del olor de nuestro amor,
Brisa seca y sabrosa, amor y distancia
Y abrazo metafísico, breve e ineluctable.

Escasez de sonido, aplastado en un respeto
Casi místico, soplar sin ruido.
La soledad de uno se incorpora
Para ahogarse en un pozo nítido
La sonrisa invita a bailar y sabe a fuego
Tus brazos, el momento perdido, el reloj
Impasible que desafina nuestra melodía
Un día, regresaré a tus labios
Con la arena que resbale entre mis dedos
Con la dulzura de un pájaro cansado.