lundi 14 mars 2011

tes essais

Tu ouvriras les yeux et chercheras le réveil. L’heure te sera révélée, tu seras satisfait. Avant de refermer les paupières, ton regard croisera la bibliothèque de chêne, les rideaux de voile, le jeu des rayons de lumière dans la poussière en suspension. Le matelas moelleux te remontera la commissure des lèvres et te plissera les yeux : un sourire comblé, bien vite estompé.

Le second réveil sera le bon; tu auras voulu te lever plus tôt, comme d’habitude. Tu descendras à la cuisine, le café sera déjà prêt. Son odeur se mêlera aux effluves du printemps quand tu ouvriras la porte. Par réflexe, tu regarderas dans la boîte aux lettres, et elle sera vide. Tu t’assoiras à la table, le journal n’y sera pas. Ce n’est pas grave; tu auras toujours aimé laisser voyager tes pensées, surtout le matin, surtout dans cette pièce que la lumière inonde.

Il n’aura pas fallu que tu t’attèles à la tâche si vite. Tu l’auras pourtant fait pour lui faire plaisir. Mais tu ne seras pas prêt, et quand tu ouvriras tous ces vieux cartons, les souvenirs t’assailliront. Des boîtes et des boîtes remplies de ta vie, de la sienne, de la vôtre. Tels des soldats, les mémoires grimperont sur tes jambes agenouillées, sur tes cuisses, sur tes bras, et enfonceront leurs lances cuisantes dans ta poitrine jusqu’à en extirper de douloureux sentiments. Tu l’auras aimé jusqu’au bout, mais auras oublié qu’elle était partie depuis déjà longtemps.

Lentement, tu remettras tous les objets en ordre. D’une caresse du pouce tu feras tes adieux aux photos, aux lettres, aux artefacts hétéroclites qui peuplaient votre quotidien, aux ex-voto sacrifiés à l’autel de votre amour. Le couvercle s’ajustera parfaitement, comme toujours. Tu rangeras les caisses dans la penderie, à côté de ses chapeaux, jetant un regard tendre vers sa collection de chaussures si bien alignée.

Tu iras finir ton café sur le sofa du salon, recroquevillé, pensif. Tes yeux se perdront dans le vague et effleureront la table basse, les coussins de jacquard, la cantonnière assortie, la tapisserie fanée. La nuit tombera et te prendra par surprise. Fermer la cafetière, grignoter un morceau. Une autre journée à rêvasser. Tu auras voulu faire mieux; demain, tu seras plus efficace. Demain, tu iras faire le ménage de ces boîtes dans lesquelles elle t’aura demandé de jeter un œil.

Tu te mettras au lit dans ton pyjama de soie bleu; c’aura été son préféré, d’aussi loin que tu te souviendras. Tu fermeras les yeux et respireras un bon coup les draps légers. Le sommeil ne tardera pas à venir, et tu auras une pensée pour le jour qui s’annonce. Tu sauras déjà que tu traineras au lit, pour la forme. Puis…

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