Je suis un danger public.
Vous tournez le dos, et hop! j’ai déjà tué votre chien. Ne laissez surtout pas mamie sans surveillance…
Mes mâchoires d’acier broient tout ce qui leur tombe sous la dent, sans aucun scrupule. Je hais les gens qui se me barrent la route, et ma vengeance n’est jamais très loin. Vous avez déjà vu ma tête dans les journaux sous la rubrique « recherchés ». Je suis une criminelle du grand chemin, de l’avenue commerciale et de la rue tranquille. Ah! Comme il est doux de lire la peur dans tous ces petits yeux lorsque j’active ma spirale infernale…
Mais un jour, on m’a surpris en flagrant délit. J’étais libre et puissante, on m’a réduite à l’esclavage, on m’a mariée de force. Attelée à longueur de journée avec un camion abrutissant, je roule tranquillement, inexorablement, à travers les rues de la ville, une après l’autre, après l’autre, après l’autre… Si ce n’était que ça, ce ne serait pas si pire! Mais je dois continuellement me taper le discours de Big Benne sur sa sainte de mère et ses rêves brisés, ses idiotes déclarations d’amour et les railleries des collègues sur notre effarante liaison. Lorsque je mets tout mon cœur et toutes mes énergies à mâcher, broyer et recracher cette neige, c’est ma rage que j’exprime et que j’expie! Seulement, ces mastodontes sont aveugles devant mes tendances destructrices et ne font que me féliciter bêtement pour mon travail impeccable. Seule la gratte comprend la fureur sourde qui gronde dans mes entrailles, elle qui savoure en silence le pouvoir que lui procure sa force. Peut-être un jour nous unirons-nous pour recréer un monde meilleur ailleurs, là où la nourriture est abondante et les automobilistes, croquant sous la dent?
J’endors les soupçons avec de beaux discours sur les bienfaits du vivre-ensemble, les ravissements de la collectivité et les plaisirs de la camaraderie. Je mange mes émotions, je choisis mes combats, mais surtout, je planifie ma libération. Je sais que les regards sont braqués sur moi, moi la folle, l’abatteuse de travail, l’abatteuse tout court. Les rumeurs courent dans mon dos, j’en viendrai à bout, je les manipulerai et les mènerai tous en bateau, ils ne verront rien venir!...
En attendant, je rentre dans le rang. Parfois j’échappe à leur surveillance, et je rêve d’un accident, d’un tout petit et tout bête accident… disons, d’une jambe… un bras?... enfin, du sang…
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