mardi 21 décembre 2010

Le retour de la femme-perdrix, part 3

Le carnage continuait de plus belle. On comptait un grand nombre de blessés dans les deux camps, mais les perdrix, acharnées, s’entêtaient à donner des coups de bec à tout va, même clouées au sol. Les élus, enfermés dans leurs bureaux, s’arrachaient les cheveux en pensant aux votes qu’ils n’obtiendraient pas aux prochaines élections s’ils ne trouvaient pas rapidement une solution.

La situation dégénérait à vue d’œil. Les perdrix avaient maintenant pris le contrôle de l’aéroport et empêchaient les gens de fuir. On les voyait aux commandes des autobus, tentant de faucher des piétons, ou bien pillant les restaurants sous les yeux des clients pris en otages. La femme-perdrix s’était approprié les chaînes de radio et de télévision. On pouvait entendre son croassement d’outre-tombe partout, dans tous les magasins d’électronique, sur toutes les radios d’automobiles.

Les options ne pleuvaient pas pour la population : tenter de fuir à pied aussi loin qu’il le faudrait, ou se rendre et devenir leurs esclaves. Le silence des dirigeants augurait le pire et ils commencèrent à songer à se rallier à la deuxième alternative.

C’est alors que le maire eût une idée : il appela sa femme, bénévole au chenil de la ville, et lui intima l’ordre de libérer tous les chats, et tant qu’à y être, les chiens aussi. Aussitôt, on sentit un mouvement de recul chez les troupes ailées. La voracité des félins n’avait d’égal que la volonté des oiseaux, et le combat fut ardu. Les chiens, ne comprenant pas l’enjeu, s’amusèrent à courir indistinctement après tout le monde.

Mais les perdrix étaient déjà fatiguées et avaient besoin de reprendre leurs forces. Les chats, cependant, ne leur laissèrent pas un instant de répit, tant et si bien qu’elles durent battre en retraite jusqu’à la sortie de la ville et se cacher dans le boisé adjacent. La femme-perdrix avait beau les rappeler, fouetter leur ardeur de paroles guerrières, tenter de les intimider, rien n’y fit. Les habitants profitèrent de ce repli pour se venger à leur tour et mirent le feu à la forêt, malgré les protestations des quelques écologiste et de Samuel. On senti une grande chaleur et une odeur de volaille braisée; des milliers d’âmes de perdrix s’élevèrent vers les cieux et allèrent rejoindre la femme-perdrix qui surplombait toujours les évènements. Elle poussa un cri terrible, remettant à nouveau la vengeance à plus tard, et disparut dans un éclair avec ses congénères.

Les citadins eurent besoin de plusieurs jours pour nettoyer les fientes et les plumes qui ornaient alors chaque recoin de la ville. Mais sitôt le ménage fait, ils n’y songèrent plus, et les rues reprirent leur apparence tranquille, exception faite des centaines de chats errants qui s’y promenaient négligemment…

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