dimanche 31 octobre 2010

collatéral

Depuis qu'il est interdit de fumer dans les bars et les restaurants, la vie est tellement plus belle. Au début, l'attitude des fumeurs allait de la réticence à la menace: on ne sortira plus! on va faire le party tout seul chez nous! Ils brandissaient l'étendard du manque à gagner que causerait la perte de leur capacité à consommer comme évidence de l'échec à venir de cette nouvelle loi.

C'est vrai qu'au début, ça a été dur pour tout le monde: les tenanciers qui comptaient plusieurs irréductibles piliers de taverne dans leur clientèle, ceux qui devaient se les geler dehors pour jouir de leur sacro-sainte dépendance, et les autres, qui se retrouvaient trop souvent seuls en dedans à garder la table et à attendre tristement. Mais les gens se sont adaptés tranquillement: les piliers ont continué de venir nourrir leur alcoolisme et ont simplement augmenté leur ratio de jurons/phrase quand est venu le temps de visiter le parking, les fumeurs ont pour la plupart prétendu essayer d'arrêter ou du moins de diminuer, et les gens normaux ont enfin pu accéder au respect pulmonaire qui leur était dû.

Maintenant, il est tout à fait normal de passer une soirée dans un bar sans avoir un gros mal de bloc le lendemain, sans devoir laver l'entièreté de son linge (chaussures et manteau inclus), sans être obligé de prendre une douche dès le réveil sous peine de vomir juste à sentir sa propre odeur de fond de cendrier.

Vraiment, la vie est beaucoup plus belle depuis.

Mais je m'interroge: qu'en est-il des effets collatéraux de cette nouvelle disposition juridique sur la consommation d'eau du Québécois moyen? Vite, mandatez une firme de sondage quelqu'un, pour qu'on puisse se conforter dans notre idée qu'au Québec, on est tellement pluss verts que les autres...

jeudi 28 octobre 2010

La fois où Breno chantait saoul dans la rue

Coimbra, 2009

Mon premier hôte couchsurfing dans cette ville portugaise était brésilien. Il y faisait sa maîtrise en physique. Il était vraiment sympathique et on a tout de suite eu plein de choses à se dire. Il aimait cuisiner, j'aimais aussi cuisiner. Il apprenait la guitare, j'apprenais aussi la guitare. Il buvait du café, je buvais aussi du café. Mais surtout: il aimait la rue Kétanou, et évidemment j'aimais aussi la rue Kétanou.

Le fait est que malgré son amour pour la chanson française, il ne comprenait pas un traître mot de ce qu'il s'y disait.

Et donc par une belle soirée de mai, nous sommes allés fêter l'anniversaire de son ami dans un bar universitaire. Là, nous avons ri et bu et bien apprécié le moment jusqu'à ce que le bar ferme et qu'on se fasse tous mettre à la porte. Ses amis sont rentrés bien sagement chez eux, mais nous, irréductibles noceurs, nous nous sommes dirigés au bar de karaoké le plus proche (et probablement le seul de la ville).

On a voulu chanter mais c'était bien plein et occupé, et nonobstant notre penchant pour la musique, nous avons dû rentrer, histoire qu'il puisse fermer l'oeil avant d'aller travailler.

Mais Breno était déjà bien rond. Et Breno VOULAIT chanter. Alors, titubant, de s'élancer en plein milieu de la nuit dans l'interprétation phonétique sa chanson préférée - bien qu'incomprise - de la rue Kétanou:

C'est pas nous qui marchons pas droit,
C'est le monde qui va de travers...

mercredi 27 octobre 2010

La fois où j'ai fait mon lavage et qu'il pleuvait

San Sebastian, juin 2006.

Il faut se rappeler qu'à l'époque, j'étais maigre et petite, pas en forme pour deux cennes et totalement dépourvue de connaissances en espagnol (ce qui s'applique encore aujourd'hui, sauf pour l'espagnol).

Voilà pourquoi on a laissé à Josianne le soin d'organiser les évènements. Bien sûr, je ne me doutais pas que marcher de St-Jean-de-Luz à San Sebastian avec un sac à dos de 25 livres puisse être difficile, mais ça, c'est une autre histoire. Le point est qu'on est finalement arrivés à destination avec beaucoup de joie dans le coeur et aucun morceau de linge propre.

On a donc commencé par se nourrir: montagne de spaghetti à la crème et au fromage avec verre de rosé (oui, on était sur une terrasse) et glace au café. Tous de délicieux ingrédients qui, une fois mélangés en trop grande quantité dans mon estomac, m'ont fait connaître d'atroces douleurs.

Alors, péniblement, on a initié notre recherche par une consultation du dictionnaire. Buanderie? Lavandería. Jo, en tête de file tel un chef indien, nous a guidées à travers les dédales de la ville basque. ¿Dónde está…? Disculpa, ¿dónde puedo…? Finalement, on a trouvé une buanderie, et comble du bonheur, ce n’était PAS l’heure de la sieste!

On y a déposé nos vêtements. Et on a attendu. Et, en attendant, la dame de la buanderie est venue nous parler. En fait elle a parlé à Jo, parce que Christine et moi, on était plutôt limitées côté communication. Elle nous a même offert des bières! À l'époque, ça me semblait extraordinaire de donner de la bière, probablement parce que je n'avais pas encore compris qu'il n'y a qu'au Canada qu'elle se vend aussi cher.

Et notre linge a fini par sécher.

Sauf que cette bière, déposée sur un estomac déjà troublé, m'a permis d'apprendre un nouveau mot: baños...

Et alors que nous marchions, satisfaites, vers cette adorable chambre que nous louions, un orage s'est abattu sur nos têtes. Et Christine et moi d'enlever nos sandales et de courir comme des damnées sous l'oeil ébaubi des badauds qui s'abritaient sous les porches! Jo, elle, s'est résignée devant le déluge et a marché tranquillement, avec l'assurance que peu importe ce qu'elle faisait, elle serait mouillée de toute façon.

Nous avons dû tordre notre linge dans la baignoire. Il a mis une semaine à sécher.

dimanche 24 octobre 2010

une porte qui vous veut du mal

Tous les jours, on me dépasse sans un regard, on me pousse, on me tire, on me bouscule. Parfois on me frappe, souvent on me claque, jamais on ne me manipule avec délicatesse. C'est sans vergogne qu'on me salit, qu'on me bamboche, qu'on me confond avec un mur. J'ai droit à des coups de poings, de pieds, d'épaules ou de genoux, et parfois même de pneus de vélo ou de sacs à dos.

J'ai décidé que c’en était fini, F-I-N-I. Jamais plus je ne me laisserai malmener. Jamais plus on ne m'outrepassera sans montrer un peu de sensibilité. Parce que la sensibilité, moi, j'en ai beaucoup, et mon casque, moi, il est bien plein.

Alors je ferai tout mon possible pour que vous me respectiez. Je resterai ouverte, pour embêter les locataires. Je me coincerai, pour enfermer les visiteurs. Je grincerai, pour les oreilles sensibles. Je foncerai sur les doigts retardataires, pour les écraser!

Et vous n'aurez d'autre choix que de faire attention, chaque fois que vous me passerez, de peur de vous faire piéger.

Signé: une porte qui vous veut du mal.

vendredi 22 octobre 2010

communisme lumineux

Elles brillent au-dessus des têtes, emplissant de ses charmes juvéniles les coeurs attendris. Leurs feux éclairent doucement les hauts-lieux de la pièce, donnant à l'endroit des allures de fête.

Les objets, immobiles, se bercent dans la délicate confusion émanant des lumières.

Elles brillent, et de milles couleurs imprègnent le visage de ces rituels délavés.

-Si tu étais une lumière, de quelle couleur serais-tu?

Mais, enfin, c'est dans leur union qu'elles acquièrent une portée, et si leur éclat n'a d'égal que leur charme, c'est qu'elles demeurent nonchalamment solidaires.

mercredi 20 octobre 2010

hécatombe grammaticale

Je déteste la grammaire.

Je dirais même plus: j'éprouve de la haine envers la grammaire.

Ceci est tout particulièrement virulent quand il est question de grammaire espagnole, langue que je trouve ô combien jolie mais que je ne contrôle tout de même pas totalement. Il n'est alors plus question de comprendre les règles mais bien d'en apprendre les exemples par coeur, car on risque de ne pas trouver de terme approprié quand le temps sera venu de prouver nos vertus.

L'utilité même d'étudier la grammaire m'échappe. Dans le cadre de mes études, il est plus que pertinent d'apprendre la formulation correcte d'un discours académique. Mais la décortication de tous et chacun des mots, jusqu'à en éventrer leur syllabes, est-elle sincèrement nécessaire? Devons-nous réellement connaître la fonction de chaque unité syntaxique pour composer une phrase cohérente? Ces questions me restent prises dans la gorge, m'entraînant dans une boulimie de dogmes et de codes qui ne pénétreront jamais le champs de mes connaissances.

Je dois admettre que ma haine est décuplée par la nonchalance de la chargée de cours, qui égrène la matière comme s'il ne s'y trouvait que des évidences, du réchauffé. La vitesse avec laquelle elle enchaîne les analyses les plus abracadabrantes n'a d'égal que l'incompréhension des deux tiers de la classe, qui peinent à trouver ne serait-ce que la signification des mots qu'elle utilise pour illustrer ses dires.

Madame nous exige qu'on lui remette les exercices proprement manuscrits, mais forte de son manque d'expérience et de temps, elle ne fait qu'y jeter un oeil sans daigner apposer une quelconque forme de correction sur ces heures de labeur. À quoi bon s'entêter à étudier si ardemment, si l'on n'est jamais avisé de nos erreurs?

Alors forcément, quand vient l'examen, on assiste à une hécatombe grammaticale.

dimanche 17 octobre 2010

Ça fait ma journée

Au réveil, j'ai ouvert mon ordinateur et lu mes (non) courriels. Puis, attirée par la musique que mon colocataire faisait jouer allègrement dans la cuisine, je me suis décidée à quitter mon domaine. Aussitôt la porte ouverte, Monsieur Chat s'est précipité dans l'ouverture, a sauté sur mon lit et s'est mis à ronronner.

Sa façon de me dire: "Tu m'as manquée!"

samedi 16 octobre 2010

Observations du samedi

Il est d'un étonnement constant que de constater à quel point le temps désinvolte peut passer vite. Le samedi en est un exemple flagrant: déjà 19h30, toujours rien de planifié sinon de persister et signer l'extinction de ce vin italien. Nonobstant, il est déjà plus agréable d'écouler mon temps ainsi que d'étudier cette grammaire espagnole, malgré le soutien de Monsieur Chat.

Dans les faits, les samedis sont faits pour se reposer. Forcément je n'ai rien à en dire, puisque je n'en ai rien fait. À peine me couvrir d'un chandail, pour ne pas avoir à sentir les courants d'airs trop fréquents et à épargner à mon colocataire une vue de par trop "choquante". En fait je le soupçonne de s'en foutre éperdument.

Une chance que cette fidèle amie la télévision, et ses sempiternels films nuls du samedi soir, sont là pour combler ma solitude.

Merde des fois quand je regarde les pubs jsuis contente de pas porter des lunettes.

Bonne nuit

Quoi de mieux comme mot d'introduction que ces simples paroles qui résument si bien mon état d'esprit:

Well, it’s one in the morning and i can’t sleep at night
I hear wolves around the doorstep
They’re circling outside
I count ‘em jumping over fences, and landing on the sheet
Now, it’s two in the morning and I can’t fall asleep

(M. Ward, Four hours in Washington)

Il est étonnant de constater qu'en dépit de la diversification des rythmes de vie, il est toujours impossible d'écouter de la télévision de qualité à cette heure avancée. Les journaux ne sont pas encore sortis. Les gens dorment. Et c'est vraiment pas comme si j'avais envie d'étudier.

Qu'est-ce qu'on fait quand on n'arrive pas à dormir, systématiquement, nuit après nuit, pendant plusieurs semaines? On devient fou? Ou peut-être zombie? Peut-être les troubles prennent-ils une forme plus sournoise, comme un manque d'appétit, ou une impatience crasse...

Et on cherche à s'occuper, sans faire de bruit pour ne pas réveiller les guidounes du sommeil, ceux qui l'ont facile. On creuse et on creuse, mais forcément on ne trouve pas. Et bien évidemment ces efforts mentaux ont pour effet de perpétuer l'état de veille. Même quand on pense à dormir on pense trop pour le faire.

Alors on retourne s'allonger.

On fixe le plafond.

On se chante une chanson.

On compte les moutons, les chèvres et les choux.

On fait des concours d'immobilité avec soi-même. Le premier qui regarde l'heure perd.