vendredi 12 novembre 2010

L'attaque de la femme-perdrix

La ville paraissait endormie sous la moelleuse couche de neige fraîche. On était en décembre, déjà, et les Fêtes approchaient. Demain, les passants chargés de paquets sillonneraient les rues à la recherche du cadeau idéal, de la perle rare qui gagnerait le coeur de l'être aimé ou de la belle-mère honnie. Mais pour l'instant, seul subsistait une femme frêle, ensevelie sous un poncho et une montagne de châles, qui abritée sous un porche tendait mollement la main.

La nuit égrena silencieusement ses heures et finit par s'éclipser. L'aurore éclaira timidement le ciel. La femme était toujours là.

Toute la journée, un perpétuel va-et-vient anima la rue. L'air froid et sec n'avait pas découragé les voraces consommateurs, qui passaient devant la femme sans lui dédier un regard. Une nouvelle nuit s'annonça rapidement, et les irréductibles traînèrent encore un moment devant les vitrines illuminées. Dans la pâleur des réverbères, des flocons orphelins ajoutaient de la magie à la veillée.

Puis, au moment où la rue reprenait enfin son souffle, elle passa à l'action. S'avançant vers un couple enlacé qui déambulait négligemment, elle commença par déballer sa sempiternelle litanie: je suis malade, je suis vieille, je n'ai nulle part où dormir... Les jeunes gens, tout à leur malaise, ne remarquèrent pas son regard malveillant, et lorsqu'ils se détournèrent pour s'éloigner, la femme-perdrix empoigna l'amoureux par l'épaule, dévoila ses ailes et lança un cri strident. Puis, enfonçant ses serres aiguisées dans la chair tendre de sa prise, elle s'engouffra dans une ruelle sombre et se hissa par une échelle de secours jusque sur les toits.

Pendant que la jeune femme, entre terreur et sanglots, appelait frénétiquement à l'aide, la silhouette de l'étrange couple que formaient la femme-perdrix et son prisonnier inconscient se découpa dans le clair de lune. Elle lança un dernier cri qui glaça le sang des habitants du quartier jusque dans leur sommeil, puis disparut dans la nuit.

À suivre...

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