Depuis la terrasse qui surplombe le hall d'entrée d'un building dont la façade est entièrement fenestrée se jette la fillette. Elle veut rattraper sa peluche. On lui a pris et balancé par-dessus la balustrade. Un crochet la rattrape par le pantalon, et elle pend au-dessus de ces sept étages de vide, la tête en bas. La décrocher, oui, et lui rendre sa peluche, mais en passant par l'escalier.
Les plus jeunes marchent la tête basse, regardent le sol, évitent les regards, rasent les murs. Leur soumission est ostensible. Dès qu'ils le pourront, ils quitteront cette école pernicieuse.
Certains de pavanent en paons. Ils ont de grosses montres, de beaux habits neufs, propres, achetés par leur papa, repassés par leur mère, leur servante de mère. Ce sont les espoirs de demain: déjà ils règnent sur leur monde, le microcosme de cette société que leur aïeux ont bâtie. Ils représentent la hiérarchie et s'acharnent à la perpétrer. Surtout, punir ceux qui osent marcher le dos droit.
Bientôt, les sourires s'élargissent, les regards se font complices, mais occupé à regarder le sol, le peuple ne le remarque pas. Certaines chambres se vident peu à peu: on rapatrie les petits frères, les petites soeurs, les benjamins de cette élite omnipotente. Faire comme si on n'avait pas constaté, bien sûr, et se sauver, s'échapper, malgré l'urgence, marcher doucement. Raser les murs. Sortir d'ici.
Ceux qui exécuteront les ordres déjà s'enferment dans le bunker, au coeur de la bête, de cette forteresse du joug. Trembler de peur, de peur de se faire découvrir, débusquer, de peur d'écrire sur son visage la volonté de s'échapper. Prendre le petit, fragile, par la main, le guider vers la sortie. Passer près du bunker, frémir une dernière fois, passer son chemin et pousser la porte.
Si bien barricadés qu'ils soient, l'explosion entre jusque dans leur sécurité. Les morceaux du collège poussent la porte et s'invitent dangereusement près de leurs corps sans carapaces. Mais la chance a un penchant pour leur témérité, elle leur offre une issue par laquelle ils sortiront en vainqueurs. Un sourire bourru de leur papa, une effusion de larme de leur mère, leur esclave de mère. Les espoirs de demains.
Accroupie autour du petit, sous les regards suintants de connivence du monde, l'explosion a soufflé la poussière loin devant nous. Un simple dos aura protégé du massacre ce fétu de vie. Les deux insignifiances que le monstre aura abdiquées s'empresseront de disparaître et rêveront de ne pas être des prochains innocents qu'on massacrera au nom de l'évolution.
1 commentaire:
Comme d`habitude j`au du lire ton histoire avec une dictionaire. mais c`est cool. J`apprend aussi en faisant ça.
Je comprend pas tout chiquita mais cette phrase "Mais la chance a un penchant pour leur témérité.."
Je l`aime beaucoup.
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