lundi 27 décembre 2010

Spécimen #1: la chenillette de trottoir


J’suis p’tit pis j’roule vite en criss. Tassez-vous de d’là, j’arrive! On me craint moins pour ma stature que pour ma conduite dangereuse, mon imprudence et ma témérité. Lorsque vous sortez de vos douillettes demeures, le café à la main, encore endormis, je fonce sur vous et klaxonne au dernier moment. À vouloir m’esquiver, vous salissez vos bottes dans le banc de neige brune. Je ricane derrière ma pelle et m’enfuis vite de la scène de crime. Que voulez-vous, déblayer les trottoirs, c’est vraiment urgent!

Je suis la terreur des enfants qui jouent, des personnes âgées qui boitent, des humbles ménagers chargés de sacs d’épicerie. Sans répit, je sillonne la ville, toujours plus rapidement, toujours plus sauvagement. Je suis un solitaire qui abat la besogne comme un forcené. La propreté des trottoirs est ma fierté; l’effroi que je cause, ma gloire. L’hiver est mon royaume, la neige, ma croisade, et les piétons, mes sujets dociles. Mes ennemis jurés : les voitures mal stationnées qui empiètent sur ma route, et ces horripilants bacs de recyclage. Pas compliqué, quand j’en vois un, je l’éventre sans aucune forme de procès!

Mais la nuit, je me réveille souvent en sursaut. Je fais des cauchemars. À la haine de la population se rajoute les railleries de mes collègues camions. « Camion nain! », me lance la niveleuse. « T’es un poids plume comparé à nous… » Et la souffleuse d’en rajouter : « Tout c’que tu fais, c’est pousser de chaque bord la neige qui dépasse. Regarde-nous : la neige, on l’enlève! » La pensée que je ne pourrai jamais partager ce sentiment d’équipe me plombe le moral. Idéaliste, je songe en des temps improbables où les chenillettes comme moi auraient un partenaire pour partager les hauts et les bas du métier, l’incongruité des obstacles du parcours, ou simplement quelques coups de klaxon complices. La seule à qui j’aie confié ma peine, c’est la grosse benne, la big mama du groupe. « Pauvre ‘ti pit! », qu’elle m’a dit. « Il faudrait que tu apprennes à apprécier ce que tu as. ». Tu parles d’un conseil!

Confronté à la réalité, mon fiel se transforme en amertume, je me rembrunis et reporte ma colère sur les passants. Ne voient-ils pas les sacrifices que je fais pour les sauver des efforts et des dangers de la marche hivernale? Je gonfle mon orgueil et me remet au boulot : les camions de déneigements, ça a pas de sentiments, juste une poussière dans l’œil.

mardi 21 décembre 2010

Le retour de la femme-perdrix, part 3

Le carnage continuait de plus belle. On comptait un grand nombre de blessés dans les deux camps, mais les perdrix, acharnées, s’entêtaient à donner des coups de bec à tout va, même clouées au sol. Les élus, enfermés dans leurs bureaux, s’arrachaient les cheveux en pensant aux votes qu’ils n’obtiendraient pas aux prochaines élections s’ils ne trouvaient pas rapidement une solution.

La situation dégénérait à vue d’œil. Les perdrix avaient maintenant pris le contrôle de l’aéroport et empêchaient les gens de fuir. On les voyait aux commandes des autobus, tentant de faucher des piétons, ou bien pillant les restaurants sous les yeux des clients pris en otages. La femme-perdrix s’était approprié les chaînes de radio et de télévision. On pouvait entendre son croassement d’outre-tombe partout, dans tous les magasins d’électronique, sur toutes les radios d’automobiles.

Les options ne pleuvaient pas pour la population : tenter de fuir à pied aussi loin qu’il le faudrait, ou se rendre et devenir leurs esclaves. Le silence des dirigeants augurait le pire et ils commencèrent à songer à se rallier à la deuxième alternative.

C’est alors que le maire eût une idée : il appela sa femme, bénévole au chenil de la ville, et lui intima l’ordre de libérer tous les chats, et tant qu’à y être, les chiens aussi. Aussitôt, on sentit un mouvement de recul chez les troupes ailées. La voracité des félins n’avait d’égal que la volonté des oiseaux, et le combat fut ardu. Les chiens, ne comprenant pas l’enjeu, s’amusèrent à courir indistinctement après tout le monde.

Mais les perdrix étaient déjà fatiguées et avaient besoin de reprendre leurs forces. Les chats, cependant, ne leur laissèrent pas un instant de répit, tant et si bien qu’elles durent battre en retraite jusqu’à la sortie de la ville et se cacher dans le boisé adjacent. La femme-perdrix avait beau les rappeler, fouetter leur ardeur de paroles guerrières, tenter de les intimider, rien n’y fit. Les habitants profitèrent de ce repli pour se venger à leur tour et mirent le feu à la forêt, malgré les protestations des quelques écologiste et de Samuel. On senti une grande chaleur et une odeur de volaille braisée; des milliers d’âmes de perdrix s’élevèrent vers les cieux et allèrent rejoindre la femme-perdrix qui surplombait toujours les évènements. Elle poussa un cri terrible, remettant à nouveau la vengeance à plus tard, et disparut dans un éclair avec ses congénères.

Les citadins eurent besoin de plusieurs jours pour nettoyer les fientes et les plumes qui ornaient alors chaque recoin de la ville. Mais sitôt le ménage fait, ils n’y songèrent plus, et les rues reprirent leur apparence tranquille, exception faite des centaines de chats errants qui s’y promenaient négligemment…

samedi 18 décembre 2010

Le retour de la femme-perdrix, part 2.

Lorsqu’elle eut repris des forces, la femme-perdrix commença à comploter sa tendre vengeance. Elle se promena dans les parcs et les boisés pour recruter une armée nouveau genre. Bientôt, des centaines de perdrix marchèrent au pas. Le mot d’ordre fut lancé : envahir les demeures, les commerces, les places publiques, comme les rats l’avaient si bien fait pour propager la peste, et attaquer, griffer, picorer jusqu’à rendre fous ces humains de malheur!

Pendant ce temps, Samuel, dans sa grande générosité, s’efforçait de les nourrir toutes. Il passait ses après-midi à semer des graines dans les parcs. Il recueillait les perdrix blessées ou malades et les soignait comme il pouvait. Sa maison était devenue le quartier général des oiseaux vendettistes et les coups de balais fréquents qu'il passait ne venaient jamais à bout des plumes qui traînaient. Ses nouvelles fonctions l’enchantaient : ayant toujours manqué d’ambition, il était heureux de servir celle des autres. Il s’assurait du même coup la clémence de ses amies.

Les troupes se mirent à infester les quartiers résidentiels. Subtilement, elles remplissaient les caves et les garages, attendant l’appel au soulèvement. Puis, les perdrix les plus aguerries prirent d’assaut l’hôtel de ville, les banques et les bureaux des grandes compagnies. Même Samuel, prenant soin de porter un casque de hockey, accompagna les perdrix dans leurs démarches. Aux côtés de leur chef zombie, il ne pouvait s’empêcher d’appréhender le combat final.

Le déploiement terminé, la femme-perdrix éleva sa carcasse putréfiée au-dessus du centre-ville et lâcha son cri rituel. Les habitants, reconnaissant la marque de commerce de leur ennemie jurée, furent pris de panique. Les bousculades qui s’en suivirent en blessèrent quelques-uns, mais les c’est en trouvant refuge à l’intérieur des édifices que les citadins vécurent leurs plus grandes pertes.

Sous leurs yeux, des centaines, des milliers de perdrix qui leur avaient tendus un piège déferlèrent en une vague destructrice sur ces groupes d’humains terrifiés. Les femmes courraient en hurlant, tentant de se débarrasser des oiseaux qui s’en prenaient à leurs cheveux, leur égratignant le cuir chevelu. Les hommes essayaient de les frapper mais s’étourdissaient à force de faire nombreux volte-face.

Plus fort! Plus vite!, pensa la femme-perdrix.

Ses sbires lui obéirent. Leurs ailes battirent plus fort et plus vite, et leurs serres d’actionnèrent.

Les visages! Les cous!

La pagaille était totale. Partout on se démenait, pris dans l’étreinte d’une seule volonté meurtrière incarnée par des milliers de bêtes piailleuses.

Et maintenant… à vos becs!


à suivre…

jeudi 16 décembre 2010

Le retour de la femme-perdrix

Samuel se réveilla en sursaut, alerté par un bruit étrange. Il descendit à la cave et ouvrit la lumière. Le soupirail avait été ouvert: il balançait encore faiblement. En continuant ses recherches, il se retrouva en face d'un petit paquet de tissu, recroquevillé dans un coin, à côté de la laveuse. L'entité tremblait. On pouvait entendre de petits gémissements, semblables à des piaillements, s'échapper de la masse informe. Ou était-ce des pleurs? Il n'aurait su dire. Il s'approcha, murmurant des paroles qui se voulaient apaisantes pour la chose, mais qui en fait le rassuraient personnellement.

Lorsqu'il ne fut plus qu'à un mètre, elle commença à se retourner, tranquillement, doucement. Ce que Samuel vit dans ses yeux lui glaça le sang. Il voulut courir, mais en fut incapable. C'est alors qu'il remarqua qu'elle lui implorait son aide. Son coeur s'attendrit. Malgré son dégoût, il la prit dans ses bras et l'installa dans le panier de son chien. Elle s'endormit...

Très vite, il remarqua que sa nouvelle compagne n'était pas normale. Elle se nourrissait de compost fermenté; le peu de peau qui dépassait de ses vêtements était grise et pleine de petits trous, comme une peau de poulet. Il retrouvait des plumes noires avec du vert-de-gris dans sa salle de bain. Une semaine entière s'était écoulée lorsqu'il aborda finalement la question:

-Qu'es-tu? lui demanda-t-il.

Elle poussa un petit cri, et la réponse apparut dans son esprit, comme par magie.

Je suis la femme-perdrix.

-Tu es télépathe?

Oui.

-Que t'est-il arrivé?

Je suis morte il y a quelques mois. Je me suis réveillée pour prendre ma revanche sur le monde des hommes.

-Ah... Comptes-tu rester pour souper?

Bien sûr. Fais chauffer le compost, s'il te plaît.


à suivre...

dimanche 12 décembre 2010

la fois où on a fait descendre une van de la montagne à reculons à la tombée de la nuit

Même s'il n'y avait pas d'électricité, les deux mecs ont tenu à amener le frigidaire qu'ils avaient trouvé en haut de la French Hill. Ils avaient une vieille Dodge Caravan ou quelque chose dans le genre, et elle était bourgogne. Elle ne rouillait pas; la carrosserie était en plastique.

Là où ça a commencé à mal aller, c'est quand ils ont voulu redescendre de la montagne. La batterie était à plat, le char ne démarrait plus. Et comme il n'y avait pas vraiment de chemin sur la montagne, et que personne ne voulait démolir sa voiture en essayant d'aller leur porter secours, il a fallu redescendre la van de la montagne à bras.

J'eus beau tenter de les convaincre, rien n'y fit: ils voulaient que je sois celle qui conduise, pendant qu'ils poussaient. C'est vrai, mes bras étaient bien inutiles quand venait le temps de forcer, mais tout de même, il faisait presque nuit et je ne voyais rien, et quand bien même qu'on m'eut crié gauche ou droite, moi ces deux-là je les avais toujours mélangés.

Je me suis assise derrière le volant, persuadée que j'allais frapper une roche, ou un arbuste, ou une racine, ou un nid-de-poule, ou encore une tente qui se trouvait juste à la sortie d'une courbe et dont le propriétaire refusait de se rendre à l'évidence qu'il serait plus sage de la déplacer. Les cahots de la route étaient effrayants et plus d'une fois j'ai pensé que la voiture allait renverser. Je freinais systématiquement dès que j'atteignais le 5 km/h, au grand désespoir de ceux qui tentaient de me livrer à la force de gravité. Miraculeusement, je n'ai que frôlé la tente. Mes talents n'étant plus requis pour la dernière ligne droite, on m'a finalement remplacée.

Aux dernières nouvelles, ils n'avaient toujours pas remonté la colline pour aller chercher leur frigidaire.

jeudi 9 décembre 2010

comment transformer vos enfants en gâteaux des fêtes

Le temps des fêtes approche et vous ne savez pas quoi faire pour rendre vos enfants attrayants aux yeux de votre parenté. Voici une recette qui transformera vos héritiers en adorables simulacres de pâtisseries!

Ingrédients:
  • vos enfants
  • 300$
  • du tape
  • de la crème fouettée
  • du cacao en poudre
Tout d'abord, vous emmenez vos enfants dans un magasin style famille-italienne chic, par exemple chez Ricci. Ensuite, vous dépensez vraiment beaucoup trop d'argent pour d'affreuses robes et des mini-complets Diesel. Assurez-vous que les vêtements que vous choisirez comporteront de belles grosses boucles de ruban, de la dentelle et du velours. Dotez-les aussi d'un chapeau digne d'Elizabeth II ou d'une de ses brus.

Allez à la caisse sans passer GO et payez 300$.

De retour à la maison, accentuez les fioritures et autres extravagances des hideux vêtements avec la crème fouettée. Pour de meilleurs résultats, utilisez celle en aérosol. N'hésitez pas à garnir généreusement leurs chapeaux, à la manière d'un cupcake de fantaisie.

Dans l'hypothèse où il viendrait à l'idée de votre charmante progéniture de se débattre, attachez-la sur une chaise avec quelques mètres de tape.

Saupoudrez vos enfants de cacao, au goût.

Et voilà, ils sont prêts à servir à vos invités! Regardez la joie dans les yeux de vos vieilles tantes séniles qui pourront enfin profiter d'un apport calorique supplémentaire chaque fois qu'elles feront la bise à vos descendants. Vous savez, elles sont si mal nourries dans les CHSLD!

mercredi 8 décembre 2010

surfons la vague techno...

...avec une photo! Vraiment, les mots, c'est dépassé. Ça n'a pas assez d'impact. Et puis il faut décoder, voire chercher dans le dictionnaire. Mettre tout ça ensemble. Avoir des notions de grammaire et de syntaxe, pffff! Wo menute. Vraiment, pour communiquer un message, il faut qu'il ait de l'impact. Sinon, ça rentre pas dans la tête des gens.

Alors pour vous ce soir, dans votre face, dans votre gueule, dans votre entrée de garage: la neige.


En effet, ce qui devait arriver arriva: il neigea. Je sais, tout le monde en a déjà parlé, après tout, ça fait quand même 24h que c'est dans l'actualité et sur tous les tabloïds, vraiment, la neige, c'est dépassé. Mais moi, la neige, ça me fait penser à Noël! Et aux cadeaux. Et au manger. Surtout au manger.

Bref, tout ça pour dire que je vous souhaite plein de transport en commun, de mitaines chaudes, de foulards et tuques, de soupes brûlantes et de crazy/wacky carpet en ce premier jour de l'hiver officiellement décrété par moi!

lundi 6 décembre 2010

un peu de paresse...

C'est la fin de session. Et oui les enfants, même vos idoles ont des obligations qui les empêchent de toujours faire des choses cool, comme dormir la fin de semaine, écrire des messages de blog, ou cuisiner une gastronomie qui ne s'apparente pas à une sandwich aux oeufs.

Néanmoins, je tiens à partager cette chanson qui m'est si chère. Non, ne vous faites pas d'illusion: ce n'est pas votre silence qui m'inspire de tels élans de nostalgie, mais plutôt le fait que mon amour m'ait quittée de nouveau pour ces lointaines contrées barbares...

vendredi 3 décembre 2010

portraits

Une dame soliloque en se balançant d'avant en arrière, d'arrière en avant. Elle semble psalmodier une incantation vaudou, produisant un constant chuintement qui se répand diffusément d'entre ses lèvres. Vieille sorcière.

Cet homme, en t-shirt et culottes courtes, teste toutes les sonneries de son cellulaire, même celles qui imitent des pets. Il gigote sur son siège; l'attente l'emmerde. Il changera de place dès qu'un siège éloigné des autres se libérera.

La femme qui s'ostine avec la réceptionniste porte un foulard qui cache tous ses cheveux. Son manteau sur le bras, elle a chaud. Elle attend déjà depuis longtemps, ne l'a-t-on pas déjà appelée? Elle devra patienter encore quelques temps.

Une jeune femme sourit en lisant ses textos. Elle a déjà feuilleté son magazine; il trône maintenant sur une chaise, avec son manteau noir. Elle porte des lunettes, et ses cheveux sont artificiellement lisses.

On appelle un nom, une, deux fois. Une fillette rétorque:"Mais madame, c'est pas mon nom!" La foule bigarrée sourit, attendrie. Mais leur sympathie sera de courte durée, car bientôt, la fillette pleure et crie. Sa mère, autoritaire, la rappelle à l'ordre: si elle ne se calme pas, elle s'expose à une terrible sanction. L'appel du chocolat du calendrier de l'avent finit par avoir raison des ardeurs de l'enfant.

Un garçon d'une dizaine d'année parle en créole avec son père. Il a des broches. Il est joufflu et enthousiaste. En face de lui se trouve une trentenaire au regard perçant. L'accompagne son mari, qui nonchalamment lit son journal. Sa peau noire est brillante, il est en habit de travail.

L’aïeule qui entre se précipite sur le distributeur de gel anti-bactérien. Pauvre folle. Ça ne l'a jamais empêché de tomber malade; pourquoi pense-t-elle que cette fois ce sera différent? Elle va s'asseoir en face de l'écran qui présente les romans-savons, pas celui qui parle de dentiers.

La nuit tombe. On m'appelle enfin, et je quitte cette assemblée dépareillée.

mercredi 1 décembre 2010

parfois

Parfois il faut se poser pour peser ses mots.

Le recul, ça ne date pas d'hier. Déjà, les antiques croyants se recueillaient loin de la civilisation pour méditer. Leurs réflexions portaient tant sur leur religion que sur leur perception du monde. Le but était d'arriver à un équilibre, à un respect du naturel et du posé, antithèse de l'empressement.

Ces lieux de spiritualité ont évolué à travers l'âge. Bien sûr, on retrouve encore, perchés dans lointaines montagnes, des monastères, des couvents, des temples, des retraites. Mais la détente et la méditation se sont démocratisées: du week-end au spa aux sectes proposant de nouvelles formes de mysticisme, tous purent accéder à la pensée transcendantale moyennant quelques recherches, quelques dollars, ou un abandon total de l'individualité au profit de l’ego d'un gourou manipulateur.

"Je pense donc je suis", affirmait Descartes. À notre ère où la pensée pré-fabriquée et la recherche d'identité-vendue-en-kit atteignent des sommets de popularité, personne n'oserait remettre en question ces paroles centenaires. Mais ce contexte a aussi engendré des monstres: les morons. Fiers d'être stupides, il se vantent de n'avoir jamais emprunté le chemin de la réflexion autre que pour en déduire que leur personnalité est bien plus belle sans ces artifices travaillés par la pensée. Ils pensent, certes, et crient tout haut le produit brut de leur processus mentaux. Tourner sept fois la langue avant de parler? Connait pô. Réfléchir à l'impact du discours? Kossé ça?

Vous trouverez principalement ces morons dans les grandes surfaces, en train d'engueuler les caissières sur le coût de la vie, ou sur la route, coupant ostensiblement les "fifs" en vélos, ou encore sur les tribunes téléphoniques, se plaignant que tout le monde ne soit pas comme eux, forts, virils, et blancs.

Mais ne vous en faites pas: l'humanité a évolué malgré le fait que ces êtres imperméables à l'intelligence aient toujours existé. Et pendant qu'ils s'acharneront à démontrer à travers leurs sages paroles combien le monde fait dur, vous pourrez mettre en pratique cette étude millénaire des mécanismes du recul.

samedi 27 novembre 2010

cette insupportable nouvelle année

Le jour de l'An, c'était traditionnellement du côté de ma mère que ça se fêtait. Au début c'était l'fun, malgré le fait que je ne recevais pas de cadeaux. On dansait, principalement. Des set-carrés. Des rigodons. Des gigues. Puis ma parenté est devenue âgée, on n'a plus voulu faire l'effort de s'accueillir l'un l'autre. On a loué une salle. Pour une ambiance stérile, c’en était toute une. Un peu plus et on passait la veillée à l'hôpital.

Les discordes au sujet du buffet (de la dinde, oui ou non?) ont fini par avoir raison de notre unique rencontre annuelle, tant et si bien que depuis, j'ai passé le jour de l'an chez moi en ermite. C'est qu'évidemment, à Montréal, il ne se passe pas grand-chose d'intéressant si on n'est pas invité à un méga-party. Alors on se console en écoutant les versions longues du Seigneur des Anneaux, et on attend que ça passe, comme la grippe.

Mais j'ai d'autre raison de trouver le jour de l'An insupportable. D'abord, cette histoire de résolutions. Comme si on allait changer du jour au lendemain, juste parce qu'on change de calendrier. On se fait croire dur comme fer que cette cigarette, c'est la dernière, mais ça ne marche JAMAIS. Pourquoi? Parce que les choses qu'on veut changer, on les change sur-le-champs, et celles si on ne veut pas vraiment changer, on remet ça à plus tard. Genre, l'année prochaine. C'est d'une navrante mauvaise foi.

Et puis le jour de l'an signe l'arrêt de mort des vacances de Noël. Après, y'a pu rien à fêter. Ok, les rois mages peut-être, mais ça reste une histoire de gâteau avec un pois sec caché dedans. C'est le retour à l'école, au travail, le come-back du réveil-matin. On regarde avec réticence ces longs mois de froidure à venir, et on soupire...

La vie continue. N'empêche que le jour de l'An, c'est plate. Ça ne signifie rien, sinon que de changer l'année quand on écrit la date. Mais c'est quoi, au final, une année? Plein de jours. Un jour de plus, un jour de moins, c'est du pareil au même. Comme si ça pouvait vraiment nous rendre heureux de se rendre compte qu'on vieillit, que le temps passe trop vite, ou pas assez, qu'on n'a jamais fait autant de choses qu'on voudrait, que tout est toujours à recommencer.

Je hais le jour de l'An. Ça me déprime. Mais Pâques, par exemple...

vendredi 26 novembre 2010

première neige...

Le fait d'avoir failli me ramasser les quatre pattes en l'air ce matin m'a enfin confirmé la venue de l'hiver. En effet, chaque année, l'hiver vient. Et avec la venue de l'hiver, c'est la venue de la neige, c'est la venue du froid qui glace, des lèvres gercées, des mitaines perdues, des chocolats chauds, mais surtout, oui, surtout, c'est la venue de NOËL!

Je suis une fan inconditionnelle de Noël. Pourtant, j'ai peu de raisons de l'être. À mon âge, je ne reçois plus de cadeaux. Le seul party de Noël auquel je sois invitée, année après année, est celui de ma famille paternelle. Je suis apostasiée, donc le petit jésus pis les anges, c'est pas pour moi. J'ai jamais aimé le magasinage. Jamais aimé la dinde non plus (la morte, pas la vivante).

Néanmoins, j'ADORE les lumières de Noël! Ça met de la magie, même en avril! Noël est une formidable excuse pour rester chez soi et s’empiffrer jusqu'à plus faim. On voit toujours de bons films avec Adam Sandler à la télé dans le temps des fêtes. À Noël, on n'a pas d'examens, pas d'école, et pour les chanceux comme moi, pas de travail non plus. Le temps de Noël est idéal pour envoyer des courriels et des cartes à ces amis qui sont si loin mais qu'on aime tant. On peut même faire des séances de photos cocasses avec les chats et Justin Trudeau. Quoi de mieux que de faire jouer Casse-Noisette de Tchaikovsky à tue-tête en buvant un bon verre de vin? Quoi de mieux que de s'emballer dans les édredons et de manger une énième orange en chocolat qu'on doit préalablement casser par terre?

Sérieux, Noël, je t'aime.

Demain: Pourquoi je hais le jour de l'an.

mercredi 24 novembre 2010

le complot

Depuis la terrasse qui surplombe le hall d'entrée d'un building dont la façade est entièrement fenestrée se jette la fillette. Elle veut rattraper sa peluche. On lui a pris et balancé par-dessus la balustrade. Un crochet la rattrape par le pantalon, et elle pend au-dessus de ces sept étages de vide, la tête en bas. La décrocher, oui, et lui rendre sa peluche, mais en passant par l'escalier.

Les plus jeunes marchent la tête basse, regardent le sol, évitent les regards, rasent les murs. Leur soumission est ostensible. Dès qu'ils le pourront, ils quitteront cette école pernicieuse.

Certains de pavanent en paons. Ils ont de grosses montres, de beaux habits neufs, propres, achetés par leur papa, repassés par leur mère, leur servante de mère. Ce sont les espoirs de demain: déjà ils règnent sur leur monde, le microcosme de cette société que leur aïeux ont bâtie. Ils représentent la hiérarchie et s'acharnent à la perpétrer. Surtout, punir ceux qui osent marcher le dos droit.

Bientôt, les sourires s'élargissent, les regards se font complices, mais occupé à regarder le sol, le peuple ne le remarque pas. Certaines chambres se vident peu à peu: on rapatrie les petits frères, les petites soeurs, les benjamins de cette élite omnipotente. Faire comme si on n'avait pas constaté, bien sûr, et se sauver, s'échapper, malgré l'urgence, marcher doucement. Raser les murs. Sortir d'ici.

Ceux qui exécuteront les ordres déjà s'enferment dans le bunker, au coeur de la bête, de cette forteresse du joug. Trembler de peur, de peur de se faire découvrir, débusquer, de peur d'écrire sur son visage la volonté de s'échapper. Prendre le petit, fragile, par la main, le guider vers la sortie. Passer près du bunker, frémir une dernière fois, passer son chemin et pousser la porte.

Si bien barricadés qu'ils soient, l'explosion entre jusque dans leur sécurité. Les morceaux du collège poussent la porte et s'invitent dangereusement près de leurs corps sans carapaces. Mais la chance a un penchant pour leur témérité, elle leur offre une issue par laquelle ils sortiront en vainqueurs. Un sourire bourru de leur papa, une effusion de larme de leur mère, leur esclave de mère. Les espoirs de demains.

Accroupie autour du petit, sous les regards suintants de connivence du monde, l'explosion a soufflé la poussière loin devant nous. Un simple dos aura protégé du massacre ce fétu de vie. Les deux insignifiances que le monstre aura abdiquées s'empresseront de disparaître et rêveront de ne pas être des prochains innocents qu'on massacrera au nom de l'évolution.

dimanche 21 novembre 2010

La fois où on est allé à la montagne pour creuser un chemin

Riobamba, juin 2007

Au pied de la montagne appelée Chimborazo, se trouve un village autochtone appelé Santa Anita. Nous, on habitait dans ce village dans un camp spécial conçu pour les touristes altermondialistes afin de nous familiariser avec les moeurs et coutumes de l'Équateur, et de faire travailler un peu nos jeunes muscles à une altitude élevée (on parle ici de plus de 3000 mètres d'altitude).

Faisant des Astérix de nous-même, nous avons affronté de terribles travaux, tels le nettoyage manuel de la route du village, le désherbage du parc municipal ou encore le labourage de jardin communautaire sous la pluie avec un outil par tranche de 4 étudiants. Mais le plus mémorable de nos périples fut définitivement celui qui nous entraîna au coeur des brumes de la montagne-dieu, le Chimborazo.

Empaquetés dans une boîte de camion, nous avons été ballottés pendant une bonne heure jusqu'à ce que le camion se déclare en panne d'essence. À partir de ce point, il a fallu marcher une quarantaine de minutes sous une pression atmosphérique qui nous écrasait les poumons et ce faisant, perdre quelques compatriotes de faible constitution, pour finalement pouvoir se mettre au boulot. La tâche était simple: bêcher le chemin envahi par les herbes pour le rendre à nouveau praticable, au cas où des voitures auraient assez d'essence pour y parvenir. Au bout d'une grosse demie-heure tout au plus, on annonça que le dîner serait servi dans une cabane voisine de quelques dizaines de mètres. Le groupe marcha pendant presqu'une heure avant d'atteindre la hutte convoitée. Le dîner n'y était pas. Ce n'est que deux heures plus tard et quelques doigts gelés en extra qu'on apprit que le camion était de nouveau en panne.

On descendit de la montagne à pied, en chantant, en glissant, et parfois même en jurant, à travers les hautes herbes mouillés et glacées. Vers trois heures de l'après-midi, on mangea à même le sol de la soupe chaude (non, ils n'avaient à ce jour pas encore découvert les sandwichs). Il n'était plus temps de retourner travailler; on prit donc le chemin du retour. Puisqu'on passait par là, on s'affaira quelques minutes à solidifier un pont, et tant qu'à y être, on se fit attaquer par une horde d'alpagas hostiles.

Mine de rien, nous fûmes fatigués, et dormîmes comme des bébés.

Ce fut ce qui s'appelle une journée efficace.

vendredi 19 novembre 2010

L'attaque de la femme-perdrix, suite et fin...?

Les plumes furent envoyées au laboratoire: perdrix, conclurent les experts. Les meilleurs ornithologues furent dépêchés pour trouver dans cette jungle urbaine un milieu où elle aurait pu s'établir. "Les perdrix sont des animaux qui vivent en famille", déclara l'un d'eux. "Peut-être cherche-t-elle un mâle?"

Ils s'affairèrent donc à recueillir une quantité suffisante de plumes pour couvrir un homme de taille moyenne. On lui attacha des postiches d'ailes et son corps fut enduit de phéromones aviaires. On lui enseigna longuement les rudiments du chant de la perdrix et on l'envoya se promener dans le grand parc boisé de la ville. Il ne fallut que quelques heures pour qu'un spécimen de perdrix ne vienne à sa rencontre. Elle avançait par à coup, timide, jusqu'à n'être plus qu'à un mètre de l'agent d'infiltration. Il poussa une plainte d'oiseau blessé, et après quelques répliques de sa congénère, elle l'invita à la suive.

Après une marche de quelques minutes dans les bois, ils arrivèrent à un arbre dont la racine cachait une ouverture. Avant de descendre, le mouchard s'assura de sonner l'alerte grâce au GPS qu'il tenait à la main, invisible car cachée dans la fausse-aile. Cette précaution lui fut salutaire, car aussitôt dans l'antre de la bête, elle se lança sur lui, aucunement trompée par son déguisement. Une lutte féroce s'amorça. L'homme, qui était entraîné au combat, se débarrassa vite de ses ailes pour se servir de ses bras. Il tenta de lui faire une clef-de-bras, mais force lui fut d'admettre qu'elle n'en possédait pas. Son désarroi laissa le champ libre à la femme-perdrix, qui prit le dessus et s'attela illico à lui picorer le visage.

C'est à ce moment que survint l'équipe d'intervention tactique. Surprise, la créature prit la fuite mais sa connaissance des dédales souterrains n'empêcha pas les policiers d'être sur ses talons. Tout à coup, le tunnel s'effondra et un amas de terre s'abattit sur la tête de la perdrix. Malgré leur zèle, les policiers ne purent la déterrer à temps, et sa mort fut constatée sur place.

En fouillant les tunnels habilement creusés, les forces de l'ordre retrouvèrent la deuxième victime, apeurée mais saine et sauve, ainsi que plusieurs ossements qui se révélèrent être humains.

La ville retrouva son calme et les citadins purent retourner à leur magasinage l'esprit tranquille. Néanmoins, tous durent admettre que le mal n'est jamais bien loin...

*Aucune perdrix ne fut blessée lors de l'élaboration de ce scénario.

mardi 16 novembre 2010

les boîtes vocales

Avant l'invention des boîtes vocales, on n'avait pas le choix de répondre au téléphone. Quand il sonnait, on ne pouvait pas se dire: "Bah! Qu'ils laissent un message" en se prélassant interminablement sur le sofa. Avant l'invention des boîtes vocales, quand on appelait quelque part et que ça répondait pas, on était certain que la personne n'était pas là. Ainsi ça nous évitait de rappeler une deuxième et une troisième fois, juste au cas-où.

Et puis il y a ce jeu, celui qui consiste à laisser un message sur le répondeur de celui qui nous en a laissé un. Des heures de plaisir. On dirait que depuis l'avènement du répondeur, les dépenses liées au service à la clientèle ont drastiquement diminué. Plus besoin d'avoir autant de personnes aptes à répondre qu'il pourrait rentrer d'appels: on met un répondeur qui embarque si la ligne est occupée. Ou mieux: on met une de ces affreuses machines automatiques avec une voix de robot ou de tite-madame: "Pour le service en français, faites le / appuyez sur le / pesez su'l piton Un." Ce désagrément est tellement répandu que c'est rendu qu'il y a des compagnies qui se font une clientèle en offrant un service non-robotisé!

Certes, ça a simplifié nos vies sous plusieurs aspects, genre plus besoin de rester à la maison quand on attend un appel. Sauf que parfois on a juste besoin d'une information niaiseuse pour laquelle on n'a pas envie de laisser un message. Ou encore c'est une situation bien trop compliquée. Ou on veut juste une réponse tu-suite, bon. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? Un appel, une réponse, non merci. Un appel, un message, voilà qui est beaucoup mieux!

En tout cas c'est déjà plus efficace que l'afficheur: oui, tu sais qui appelle, mais pour savoir pourquoi, faut quand même répondre! Et le classique "Oui on vient de m'appeler sur mon cellulaire de votre numéro mais je sais pas c'était qui, est-ce que je peux parler avec cette personne-là?" Désespérant.

dimanche 14 novembre 2010

L'attaque de la femme-perdrix, part 2

Il ne fallut que quelques minutes pour que les policiers arrivent sur les lieux. La jeune femme, sous le choc, ne leur était d'aucune aide. Elle ne faisait que balbutier, encore et encore: "Des serres... un bec... une femme..." Les agents, par équipes, s'élancèrent à l'assaut des toits. Déjà les badauds s'attroupaient devant les édifices et la rumeur courait: "Il paraît que c'est un oiseau!" "Non, un monstre!"

Les équipes tactiques s'activaient tout là-haut. De façon concise, ils fouillaient chaque recoin, soulevant chaque trappe et explorant chaque escalier, jusqu'au moment où l'un des policiers aperçut une forme noire quelques bâtiments plus loin. Comme elle paraissait immobile, son équipe profita de l'obscurité pour s'approcher discrètement, se planquant derrière chaque obstacle pour prendre la femme-perdrix par surprise. Mais lorsqu'ils ne furent qu'à quelques mètres d'elle, elle se retourna vivement, montrant un visage cauchemardesque mi-humain mi-oiseau, et poussa son cri guerrier.

"Elle nous a piégé", pensa le plus jeune des agents. En effet, l'instant d'après elle avait déjà sautillé jusqu'au bord de l'immeuble où l'attendait l'homme toujours inconscient. S'en saisissant, elle sauta par-dessus le remblais, laissant quelques plumes derrière elle. Les policiers dégainèrent leurs armes et tentèrent de l'abattre, mais leurs efforts firent mouche furent vains et elle disparut à nouveau.

Les escouades revinrent penaudes de leurs recherches après avoir ratissé tout le quartier, eux qui avaient pourtant été si près d'appréhender cette étrange criminelle. Les rares témoins qui étaient restés pour le dénouement durent renoncer à une explication et retournèrent se coucher. Sous la neige qui tombait toujours s'effacèrent une à une les traces des évènements...

On retrouva l'homme trois jours plus tard dans ce qui semblait être un grand nid fait de branches entrelacées, parsemées de plumes et de fientes d'oiseau. Bien qu'il était encore en vie, il ne faisait que pousser de faibles cris, à la manière d'un oisillon. Les analyses poussées qu'on effectua à l'hôpital révélèrent qu'il avait été nourri de vers et d'autres insectes. Son torse et ses bras étaient parsemés de petites morsures et de lacérations. On ne put en tirer aucune information et il fut envoyé à l'hôpital psychiatrique.

Il ne retrouva pas la raison.

Quelques jours plus tard, on signala une nouvelle disparition...

À suivre...

vendredi 12 novembre 2010

L'attaque de la femme-perdrix

La ville paraissait endormie sous la moelleuse couche de neige fraîche. On était en décembre, déjà, et les Fêtes approchaient. Demain, les passants chargés de paquets sillonneraient les rues à la recherche du cadeau idéal, de la perle rare qui gagnerait le coeur de l'être aimé ou de la belle-mère honnie. Mais pour l'instant, seul subsistait une femme frêle, ensevelie sous un poncho et une montagne de châles, qui abritée sous un porche tendait mollement la main.

La nuit égrena silencieusement ses heures et finit par s'éclipser. L'aurore éclaira timidement le ciel. La femme était toujours là.

Toute la journée, un perpétuel va-et-vient anima la rue. L'air froid et sec n'avait pas découragé les voraces consommateurs, qui passaient devant la femme sans lui dédier un regard. Une nouvelle nuit s'annonça rapidement, et les irréductibles traînèrent encore un moment devant les vitrines illuminées. Dans la pâleur des réverbères, des flocons orphelins ajoutaient de la magie à la veillée.

Puis, au moment où la rue reprenait enfin son souffle, elle passa à l'action. S'avançant vers un couple enlacé qui déambulait négligemment, elle commença par déballer sa sempiternelle litanie: je suis malade, je suis vieille, je n'ai nulle part où dormir... Les jeunes gens, tout à leur malaise, ne remarquèrent pas son regard malveillant, et lorsqu'ils se détournèrent pour s'éloigner, la femme-perdrix empoigna l'amoureux par l'épaule, dévoila ses ailes et lança un cri strident. Puis, enfonçant ses serres aiguisées dans la chair tendre de sa prise, elle s'engouffra dans une ruelle sombre et se hissa par une échelle de secours jusque sur les toits.

Pendant que la jeune femme, entre terreur et sanglots, appelait frénétiquement à l'aide, la silhouette de l'étrange couple que formaient la femme-perdrix et son prisonnier inconscient se découpa dans le clair de lune. Elle lança un dernier cri qui glaça le sang des habitants du quartier jusque dans leur sommeil, puis disparut dans la nuit.

À suivre...

mardi 9 novembre 2010

La fois où on voulait acheter de l'alcool et qu'on n'avait pas l'âge

Santa Cruz, août 2008

De désespoir de s'être fait abandonnés par notre hôte couchsurfing à San Francisco, les copains et moi avons décidé de descendre 200km vers le sud pour y faire du camping. En arrivant dans la ville convoitée, on s'est arrêté acheter de quoi manger dans un supermarché. Évidemment, on a fini par dériver vers la section alcool, et, surprise! c'était moins cher qu'à la SAQ. Drastiquement moins cher, je dirais même.

Alors en jeunes québécois bon vivants que nous étions, de nous exclamer sur les prix ridiculement bas:

-Hen, 17$ pour 1,75 litre de vodka!

-Alexis, tchek ça, 1,75 litre de capitan morgan brun pour 20$!

-Malade, une bouteille de bon vin à 4,50$, jla veux trop!

Nos cris allègres ont tôt fait d'attirer les deux seuls autres québécois de l'épicerie, qui eux, avaient plus de 21 ans (c'était ma fête deux jours plus tard!) Alors on leur explique notre plan diabolique: ils achètent l'alcool en faisant semblant de ne pas nous connaître, et nous, on la boit.

Aussitôt dit, aussitôt fait. En rejoignant nos acolytes dans le stationnement, on s'est rendu compte qu'eux non plus ne savaient pas où dormir. On a donc pris la route vers le terrain de camping national le plus près. On savait qu'il était plein, mais comme il était tard, on est quand même rentré et on a trouvé un beau morceau de gazon pour mettre nos tentes dessus, avec en prime une table à pique-nique! Les voisins ont dû nous détester, mais nous, on a eu ben du fun ce soir-là.

Le lendemain, on s'est réveillé avec une facture dans le pare-brise de la voiture. On a payé et on est parti à la plage.

dimanche 7 novembre 2010

le changement d'heure

Il y a de ces journées où on a l'impression de toujours être à côté de la plaque, on est confus, mélangé, ou la réalité nous paraît carrément nébuleuse. Ces journées surviennent en général la fin de semaine, quand on se donne le droit de ne pas avoir d'horaire (même si dans les faits on a plein de choses à faire), on se lève tard, on se couche tard, on dort longtemps. On regarde dehors, il fait gris, il fait froid, et on retourne vaquer à nos non-occupations sous les édredons. L'automne est une période propice à l'extension de ces habitudes.

Quand finalement on tente de mettre notre temps libre à profit, c'est pour s'apercevoir qu'il en reste trop peu, ou alors on reçoit un coup de fil, un courriel, on trouve toujours une raison pour repousser les impératifs. Mais jamais on n'arrivera à se débarrasser de cette pointe de culpabilité, celle qui pique le coeur, doucement, tendrement, pour rappeler que c'est mal, procrastiner.

Eh bien aujourd'hui, on a pu procrastiner nébuleusement une heure de plus, gracieuseté du changement d'heure. Toute la journée, on aura cherché à se convaincre qu'il était en réalité plus tôt que ce qu'il ne paraissait, mais on l'aura oublié sitôt l'horloge regardée. Bien sûr, on aura négligé de changer l'heure du cadran et certains préféreront adapter l'heure de l'alarme pour les prochains jours plutôt que de faire l'effort de remettre les pendules à l'heure.

Mais forcément, un jour, tout rentrera dans l'ordre: dans une semaine, un autre samedi nous gardera au lit, dans un mois, il fera noir au déjeuner comme au souper, et au printemps, on reviendra à l'heure d'été.

jeudi 4 novembre 2010

La seconde vie

Il faisait chaud, péniblement chaud.

La saison avait pourtant été pluvieuse. L'humidité avait défraîchi le papier peint et laissé derrière elle une odeur lourde de renfermé. La scène qui avait dû jadis paraître bucolique faisait maintenant état d'un abandon triste. Les herbes hautes, qui barraient le sentier menant à la cabane champêtre, semblaient tenter de s'en emparer pour la réduire à rien dans une interminable digestion.

Mais cette excessive verdure apportait une fraîcheur qui contrastait avec la moiteur fétide de la maisonnette.

On y ouvrit les fenêtres et en sortit la literie, les meubles. Bientôt les carreaux et les planchers furent lavés. Le sentier fut rafraîchi. Et surtout, on arracha cet infect papier peint.

La maison fut réhabilitée. Pour la première fois depuis la maladie de leur mère, les enfants s'y sentirent chez eux. Ils y passèrent tous les dimanches d'automne, jusqu'aux premiers grands froids, qui les forcèrent à la délaisser pour la saison froide.

Mais on promit qu'on y reviendrait, en mai, à temps pour les muguets.

mardi 2 novembre 2010

La fois où on a fait du camping illégal et qu'on s'est fait réveiller par la police

Tofino, août 2008

On est arrivé sur le pouce dans cette ville grise et brumeuse, sans réservation dans une auberge de jeunesse, il va sans dire. La première nuit, une annulation de dernière minute nous avait permis de dormir au chaud dans ce qui ressemblait à un bed and breakfast. Mais au fil des rencontres, on s'est rendu compte que dormir gratuit, c'était possible. Suffisait de trouver le bon endroit.

Sauf que nous, paresseux, on n'a pas voulu s'enfoncer loin dans la forêt, alors on a attendu la tombée de la nuit et on a cherché un endroit un peu retiré de la route, près de quelques arbres qui nous couvriraient.

Ce qu'on a (cru) trouver dans la cour de l'école primaire du village.

On a monté la tente derrière le banc des joueurs du terrain de baseball et on s'est couché. On se trouvait ben malins. Mais on s'est fait réveiller par ce qui semblait être un tremblement de terre: les murs bougeaient, le bruit était agressant, et la surprise, de taille. La voix du policier nous a ramenés à la réalité: "Is there someone in there?"

Merde...

Et pourtant! On avait mis le réveil à 7h, pour prendre de vitesse une potentielle découverte. Mais il était 6h50 et on s'était fait prendre. C'est vrai que de la rue, elle était vraiment visible, notre tente.

Alexis a payé l'amende. Curieusement, ça revenait moins cher que le bed and breakfast. Depuis ce jour, elle trône sur notre frigo.

dimanche 31 octobre 2010

collatéral

Depuis qu'il est interdit de fumer dans les bars et les restaurants, la vie est tellement plus belle. Au début, l'attitude des fumeurs allait de la réticence à la menace: on ne sortira plus! on va faire le party tout seul chez nous! Ils brandissaient l'étendard du manque à gagner que causerait la perte de leur capacité à consommer comme évidence de l'échec à venir de cette nouvelle loi.

C'est vrai qu'au début, ça a été dur pour tout le monde: les tenanciers qui comptaient plusieurs irréductibles piliers de taverne dans leur clientèle, ceux qui devaient se les geler dehors pour jouir de leur sacro-sainte dépendance, et les autres, qui se retrouvaient trop souvent seuls en dedans à garder la table et à attendre tristement. Mais les gens se sont adaptés tranquillement: les piliers ont continué de venir nourrir leur alcoolisme et ont simplement augmenté leur ratio de jurons/phrase quand est venu le temps de visiter le parking, les fumeurs ont pour la plupart prétendu essayer d'arrêter ou du moins de diminuer, et les gens normaux ont enfin pu accéder au respect pulmonaire qui leur était dû.

Maintenant, il est tout à fait normal de passer une soirée dans un bar sans avoir un gros mal de bloc le lendemain, sans devoir laver l'entièreté de son linge (chaussures et manteau inclus), sans être obligé de prendre une douche dès le réveil sous peine de vomir juste à sentir sa propre odeur de fond de cendrier.

Vraiment, la vie est beaucoup plus belle depuis.

Mais je m'interroge: qu'en est-il des effets collatéraux de cette nouvelle disposition juridique sur la consommation d'eau du Québécois moyen? Vite, mandatez une firme de sondage quelqu'un, pour qu'on puisse se conforter dans notre idée qu'au Québec, on est tellement pluss verts que les autres...

jeudi 28 octobre 2010

La fois où Breno chantait saoul dans la rue

Coimbra, 2009

Mon premier hôte couchsurfing dans cette ville portugaise était brésilien. Il y faisait sa maîtrise en physique. Il était vraiment sympathique et on a tout de suite eu plein de choses à se dire. Il aimait cuisiner, j'aimais aussi cuisiner. Il apprenait la guitare, j'apprenais aussi la guitare. Il buvait du café, je buvais aussi du café. Mais surtout: il aimait la rue Kétanou, et évidemment j'aimais aussi la rue Kétanou.

Le fait est que malgré son amour pour la chanson française, il ne comprenait pas un traître mot de ce qu'il s'y disait.

Et donc par une belle soirée de mai, nous sommes allés fêter l'anniversaire de son ami dans un bar universitaire. Là, nous avons ri et bu et bien apprécié le moment jusqu'à ce que le bar ferme et qu'on se fasse tous mettre à la porte. Ses amis sont rentrés bien sagement chez eux, mais nous, irréductibles noceurs, nous nous sommes dirigés au bar de karaoké le plus proche (et probablement le seul de la ville).

On a voulu chanter mais c'était bien plein et occupé, et nonobstant notre penchant pour la musique, nous avons dû rentrer, histoire qu'il puisse fermer l'oeil avant d'aller travailler.

Mais Breno était déjà bien rond. Et Breno VOULAIT chanter. Alors, titubant, de s'élancer en plein milieu de la nuit dans l'interprétation phonétique sa chanson préférée - bien qu'incomprise - de la rue Kétanou:

C'est pas nous qui marchons pas droit,
C'est le monde qui va de travers...

mercredi 27 octobre 2010

La fois où j'ai fait mon lavage et qu'il pleuvait

San Sebastian, juin 2006.

Il faut se rappeler qu'à l'époque, j'étais maigre et petite, pas en forme pour deux cennes et totalement dépourvue de connaissances en espagnol (ce qui s'applique encore aujourd'hui, sauf pour l'espagnol).

Voilà pourquoi on a laissé à Josianne le soin d'organiser les évènements. Bien sûr, je ne me doutais pas que marcher de St-Jean-de-Luz à San Sebastian avec un sac à dos de 25 livres puisse être difficile, mais ça, c'est une autre histoire. Le point est qu'on est finalement arrivés à destination avec beaucoup de joie dans le coeur et aucun morceau de linge propre.

On a donc commencé par se nourrir: montagne de spaghetti à la crème et au fromage avec verre de rosé (oui, on était sur une terrasse) et glace au café. Tous de délicieux ingrédients qui, une fois mélangés en trop grande quantité dans mon estomac, m'ont fait connaître d'atroces douleurs.

Alors, péniblement, on a initié notre recherche par une consultation du dictionnaire. Buanderie? Lavandería. Jo, en tête de file tel un chef indien, nous a guidées à travers les dédales de la ville basque. ¿Dónde está…? Disculpa, ¿dónde puedo…? Finalement, on a trouvé une buanderie, et comble du bonheur, ce n’était PAS l’heure de la sieste!

On y a déposé nos vêtements. Et on a attendu. Et, en attendant, la dame de la buanderie est venue nous parler. En fait elle a parlé à Jo, parce que Christine et moi, on était plutôt limitées côté communication. Elle nous a même offert des bières! À l'époque, ça me semblait extraordinaire de donner de la bière, probablement parce que je n'avais pas encore compris qu'il n'y a qu'au Canada qu'elle se vend aussi cher.

Et notre linge a fini par sécher.

Sauf que cette bière, déposée sur un estomac déjà troublé, m'a permis d'apprendre un nouveau mot: baños...

Et alors que nous marchions, satisfaites, vers cette adorable chambre que nous louions, un orage s'est abattu sur nos têtes. Et Christine et moi d'enlever nos sandales et de courir comme des damnées sous l'oeil ébaubi des badauds qui s'abritaient sous les porches! Jo, elle, s'est résignée devant le déluge et a marché tranquillement, avec l'assurance que peu importe ce qu'elle faisait, elle serait mouillée de toute façon.

Nous avons dû tordre notre linge dans la baignoire. Il a mis une semaine à sécher.

dimanche 24 octobre 2010

une porte qui vous veut du mal

Tous les jours, on me dépasse sans un regard, on me pousse, on me tire, on me bouscule. Parfois on me frappe, souvent on me claque, jamais on ne me manipule avec délicatesse. C'est sans vergogne qu'on me salit, qu'on me bamboche, qu'on me confond avec un mur. J'ai droit à des coups de poings, de pieds, d'épaules ou de genoux, et parfois même de pneus de vélo ou de sacs à dos.

J'ai décidé que c’en était fini, F-I-N-I. Jamais plus je ne me laisserai malmener. Jamais plus on ne m'outrepassera sans montrer un peu de sensibilité. Parce que la sensibilité, moi, j'en ai beaucoup, et mon casque, moi, il est bien plein.

Alors je ferai tout mon possible pour que vous me respectiez. Je resterai ouverte, pour embêter les locataires. Je me coincerai, pour enfermer les visiteurs. Je grincerai, pour les oreilles sensibles. Je foncerai sur les doigts retardataires, pour les écraser!

Et vous n'aurez d'autre choix que de faire attention, chaque fois que vous me passerez, de peur de vous faire piéger.

Signé: une porte qui vous veut du mal.

vendredi 22 octobre 2010

communisme lumineux

Elles brillent au-dessus des têtes, emplissant de ses charmes juvéniles les coeurs attendris. Leurs feux éclairent doucement les hauts-lieux de la pièce, donnant à l'endroit des allures de fête.

Les objets, immobiles, se bercent dans la délicate confusion émanant des lumières.

Elles brillent, et de milles couleurs imprègnent le visage de ces rituels délavés.

-Si tu étais une lumière, de quelle couleur serais-tu?

Mais, enfin, c'est dans leur union qu'elles acquièrent une portée, et si leur éclat n'a d'égal que leur charme, c'est qu'elles demeurent nonchalamment solidaires.

mercredi 20 octobre 2010

hécatombe grammaticale

Je déteste la grammaire.

Je dirais même plus: j'éprouve de la haine envers la grammaire.

Ceci est tout particulièrement virulent quand il est question de grammaire espagnole, langue que je trouve ô combien jolie mais que je ne contrôle tout de même pas totalement. Il n'est alors plus question de comprendre les règles mais bien d'en apprendre les exemples par coeur, car on risque de ne pas trouver de terme approprié quand le temps sera venu de prouver nos vertus.

L'utilité même d'étudier la grammaire m'échappe. Dans le cadre de mes études, il est plus que pertinent d'apprendre la formulation correcte d'un discours académique. Mais la décortication de tous et chacun des mots, jusqu'à en éventrer leur syllabes, est-elle sincèrement nécessaire? Devons-nous réellement connaître la fonction de chaque unité syntaxique pour composer une phrase cohérente? Ces questions me restent prises dans la gorge, m'entraînant dans une boulimie de dogmes et de codes qui ne pénétreront jamais le champs de mes connaissances.

Je dois admettre que ma haine est décuplée par la nonchalance de la chargée de cours, qui égrène la matière comme s'il ne s'y trouvait que des évidences, du réchauffé. La vitesse avec laquelle elle enchaîne les analyses les plus abracadabrantes n'a d'égal que l'incompréhension des deux tiers de la classe, qui peinent à trouver ne serait-ce que la signification des mots qu'elle utilise pour illustrer ses dires.

Madame nous exige qu'on lui remette les exercices proprement manuscrits, mais forte de son manque d'expérience et de temps, elle ne fait qu'y jeter un oeil sans daigner apposer une quelconque forme de correction sur ces heures de labeur. À quoi bon s'entêter à étudier si ardemment, si l'on n'est jamais avisé de nos erreurs?

Alors forcément, quand vient l'examen, on assiste à une hécatombe grammaticale.

dimanche 17 octobre 2010

Ça fait ma journée

Au réveil, j'ai ouvert mon ordinateur et lu mes (non) courriels. Puis, attirée par la musique que mon colocataire faisait jouer allègrement dans la cuisine, je me suis décidée à quitter mon domaine. Aussitôt la porte ouverte, Monsieur Chat s'est précipité dans l'ouverture, a sauté sur mon lit et s'est mis à ronronner.

Sa façon de me dire: "Tu m'as manquée!"

samedi 16 octobre 2010

Observations du samedi

Il est d'un étonnement constant que de constater à quel point le temps désinvolte peut passer vite. Le samedi en est un exemple flagrant: déjà 19h30, toujours rien de planifié sinon de persister et signer l'extinction de ce vin italien. Nonobstant, il est déjà plus agréable d'écouler mon temps ainsi que d'étudier cette grammaire espagnole, malgré le soutien de Monsieur Chat.

Dans les faits, les samedis sont faits pour se reposer. Forcément je n'ai rien à en dire, puisque je n'en ai rien fait. À peine me couvrir d'un chandail, pour ne pas avoir à sentir les courants d'airs trop fréquents et à épargner à mon colocataire une vue de par trop "choquante". En fait je le soupçonne de s'en foutre éperdument.

Une chance que cette fidèle amie la télévision, et ses sempiternels films nuls du samedi soir, sont là pour combler ma solitude.

Merde des fois quand je regarde les pubs jsuis contente de pas porter des lunettes.

Bonne nuit

Quoi de mieux comme mot d'introduction que ces simples paroles qui résument si bien mon état d'esprit:

Well, it’s one in the morning and i can’t sleep at night
I hear wolves around the doorstep
They’re circling outside
I count ‘em jumping over fences, and landing on the sheet
Now, it’s two in the morning and I can’t fall asleep

(M. Ward, Four hours in Washington)

Il est étonnant de constater qu'en dépit de la diversification des rythmes de vie, il est toujours impossible d'écouter de la télévision de qualité à cette heure avancée. Les journaux ne sont pas encore sortis. Les gens dorment. Et c'est vraiment pas comme si j'avais envie d'étudier.

Qu'est-ce qu'on fait quand on n'arrive pas à dormir, systématiquement, nuit après nuit, pendant plusieurs semaines? On devient fou? Ou peut-être zombie? Peut-être les troubles prennent-ils une forme plus sournoise, comme un manque d'appétit, ou une impatience crasse...

Et on cherche à s'occuper, sans faire de bruit pour ne pas réveiller les guidounes du sommeil, ceux qui l'ont facile. On creuse et on creuse, mais forcément on ne trouve pas. Et bien évidemment ces efforts mentaux ont pour effet de perpétuer l'état de veille. Même quand on pense à dormir on pense trop pour le faire.

Alors on retourne s'allonger.

On fixe le plafond.

On se chante une chanson.

On compte les moutons, les chèvres et les choux.

On fait des concours d'immobilité avec soi-même. Le premier qui regarde l'heure perd.